Lors de l'AIMS 2020, s'est tenue la Table Ronde « Penser et organiser le risque d’effondrement : quels regards gestionnaires porter sur la ‘collapsologie’ ?"
Partant du postulat du caractère avéré et irréversible de multiples risques systémiques (risque climatique, épuisement des ressources, crises démographiques et migratoires, etc.), la « collapsologie » renvoie à l’étude des phénomènes organisationnels émanant de l’inéluctable effondrement de nos sociétés (Servigne & Stevens, 2015). Alors que la collapsologie semble générer un engouement controversé, entre intérêt et scepticisme, porte-t-elle les prémisses de mutations extrêmes et profondes du fonctionnement de nos sociétés et de nos organisations ?
Pour éclairer cette question, le GT RIM a organisé lors de la conférence annuelle de l’AIMS 2020 une table ronde proposant d’explorer la notion de collapsologie sous différents prismes gestionnaires. Elle a introduit ainsi un agenda de recherche théorique : quels phénomènes organisationnels la collapsologie éclaire-t-elle ? Quelles transformations la collapsologie laisse-t-elle présager, et comment les conceptualiser en sciences de gestion ? En quoi la collapsologie vient-elle réinterroger nos visions académiques des organisations face au risque ?
Les intervenants
Aurélien ACQUIER – Full Professor, ESCP Business School – Ses recherches portent sur l'intégration des questions de développement durable et de responsabilité sociale dans des formes organisationnelles complexes (sociétés transnationales, organisations en réseau, capitalisme de plateforme ou économie de partage). Il est diplômé de l'ESSEC Business School. Il est l'auteur de plusieurs articles (publiés dans Journal of Business Ethics, Business & Society, M@n@gement, Technological Forecasting & Social Change, etc.), volumes, chapitres et communications à des conférences internationales. Aurélien Acquier intervient dans cette table ronde en tant qu’expert du développement de formes organisationnelles complexes face aux défis du développement durable, pour s’exprimer plus particulièrement sur la construction de fictions en lien avec le développement durable et l’anthropocène. Il a notamment publié une analyse des représentations du rôle social et sociétal des entreprises dans un contexte d’innovation technologique dans le film Okja, un article « Science-Fiction et Développement Durable » dans la revue Entreprises et Histoire, et un article à paraître dans les Cahiers Français sur l’innovation à l’heure de l’anthropocène.
Héloise BERKOWITZ – chercheuse CNRS - Ses recherches portent sur la transition vers des modèles durables, les méta-organisations, sur des terrains de recherche tels que les océans, le crowdunfunding, la blockchain ou encore le big data. Chercheuse au CNRS (UMR5303 Toulouse School of Management-Research), elle est diplômée de l’Ecole Polytechnique (doctorat en sciences de gestion), de la Sorbonne, HEC Paris et CEMS Alliance. Elle a été visiting scholar à Columbia University, au Stanford Center for Ocean Solutions et à l’Institut Barcelona d’Estudis Internacionals. Héloïse Berkowitz intervient dans cette table ronde en tant qu’experte des dynamiques de transition vers le développement durable. Elle s’intéresse notamment à la gouvernance sectorielle et aux méta-organisations dans divers contextes empiriques (économie collaborative et industries marines) ainsi qu’à la performativité.
Alexandre MONNIN – philosophe, directeur de recherche d’Origens Medialab, professeur à l’ESC Clermont, et président de l’association Adrastia. Ses travaux de recherche portent sur l’anthropocène, l’humanité digitale ou encore la philosophie du web. Docteur en philosophie de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, il est membre du réseau d’experts de la mission Etalab, du GDS Ecoinfo (CNRS) et du GDR CIS (CNRS). Ancien chercheur à l’Inria, architecte de la plateforme numérique de Lafayette Anticipations et responsable recherche Web à l’IRI du Centre Pompidou, il a également collaboré avec l’UNESCO ou encore le Shift Project. Alexandre Monnin intervient dans cette table ronde en tant qu’expert de l’anthropocène et de la collapsologie. Il a publié plusieurs recherches et tribunes sur ces thématiques.
1ere partie : « Fin du monde ou espoir d’une nouvelle société ? La collapsologie comme phénomène de catégorisation »
Les intervenants ont d’abord interrogé les discours et représentations qui se construisent autour de la collapsologie, et mis en avant les tensions de discours qui se structurent, entre fin du monde et espoir d’une nouvelle société : face au risque d’effondrement, quel(s) imaginaire(s) de société se dessine(nt), pour répondre à quels ‘grands challenges’ ? La collapsologie a été ainsi examinée sous l’angle des phénomènes de « catégorisation », par lesquels se structurent de véritables camps institutionnels : utopistes contre catastrophistes, antisystèmes contre « transitionneurs », qui permettent d’entrevoir et de discuter différentes trajectoires de transformations sociétales profondes, dans lesquelles la place des entreprises se voit largement questionnée.
2e partie : « Organiser collectivement l’effondrement : quels modes d’organisation ? »
Dans un second temps, les intervenants ont balayé quelques processus sociaux et organisationnels qui émergent pour faire face à ce potentiel effondrement, en présentant d’une part en quoi certaines approches théoriques gestionnaires peuvent éclairer ces phénomènes émergeants, et d’autre part en discutant en quoi ces processus viennent réinterroger les postulats, modèles et paradigmes des sciences de gestion : la collapsologie pourrait-elle constituer une source de leviers d’émancipation des citoyens, ou d’outils de domination des foules ?
Comments