La journée d’étude « « Grand challenges, big issues & risques émergents : de nouvelles formes de mise en gestion de l’incertitude ?» du GT RIM s’est tenue le 12 juin 2020 à l’Université Paris-Dauphine. Elle visait à réinterroger notre compréhension des organisations et de leur management stratégique, en explorant cette tendance à la « mise en risque » des défis rencontrés par nos sociétés.

Au cours des dernières années, des catégories nouvelles ont émergé pour désigner des incertitudes environnementales, sociales, complexes et difficilement saisissables auxquelles se confrontent les organisations : « Grand challenges », « big issues », « wicked problems », etc. (Eisenhardt et al, 2015; Ferraro, et al., 2015, George et al., 2016). Parfois également qualifiées de « risques émergents », ces situations mouvantes interrogent nos capacités de gestion de l’incertitude.
Appréhender le risque comme une « mise en gestion » de l’incertitude n’est pas nouveau (Taylor-Gooby & Zinn, 2006). Les théories sociales du risque trouvent leur source dans une tradition bien établie en sociologie et en sciences politiques (Borraz, 2008 ; Zinn, 2009 ; Gilbert, 2003), et ont inspiré des travaux féconds dans plusieurs domaines des sciences de gestion. Nous pouvons plus particulièrement souligner les avancées récentes en comptabilité et contrôle de gestion pour éclairer le rôle des outils dans la construction sociale du risque au sein des organisations (Power, 2007). Les travaux consacrés aux secteurs de la santé et industries à risque, notamment nucléaire, ont amélioré notre compréhension de la gestion quotidienne des risques opérationnels (Weick & Sutcliffe, 2007 ; HRO). D’autres chercheurs invitent à repenser les notions de risques et d’incertitude en s’intéressant aux narratifs produits autour des risques (Becker & Bronk, 2018).
L’émergence de ces nouvelles catégories pour mettre des mots sur des futurs incertains montre une montée en puissance de ces préoccupations, ou leur mutation, au sein des organisations, au-delà du domaine des « risques opérationnels ». Cependant, en dehors de quelques chercheurs institutionalistes centrés sur les discours institutionnels (Maguire & Hardy, 2013 ; Hardy & Maguire, 2016) et des recherches dans des secteurs identifiés comme « à haute fiabilité » (Roberts, 1990 ; Clarke & Short, 1993) ou des contextes « extrêmes » (Hällgren, Rouleau, & De Rond, 2018), le management stratégique et les études organisationnelles sont jusqu’à présent restés quelque peu éloignés de ce renouvellement de la pensée sur le risque.
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